Les adieux d’Ernest Paul
Les coureurs partent de Strasbourg une nouvelle fois sous la pluie et c’est le froid qui les accompagnera toute la journée. Ernest Paul n’en a cure. Ses parents résident à Wissembourg. Pour son dernier Tour de France, à 41 ans, le demi-frère de François Faber a décidé de leur rendre hommage en traversant cette ville en tête. Le rythme, pendant une vingtaine de kilomètres, s’en ressent mais, chose faite, le peloton s’assoupit pour longtemps.

 Alavoine malheureux
Il s’assoupit jusqu’au kilomètre 233, à 17 km de Thionville, au moment où Alavoine (3ème du général) heurte un caniveau. Ses 2 pneus sont crevés, sa fourche faussée. Le peloton en profite évidemment pour se faire la belle. Pendant ce temps, le « Gars Jean » répare les crevaisons, récupère un vélo de route, y installe sa selle et sa roue avant. C’est reparti mais une nouvelle crevaison l’oblige à changer à nouveau de machine. Encore « la Sorcière aux Dents Vertes » qui s’acharne sur Alavoine, 26ème de l’étape à 30’50’’ du vainqueur.

 Au tour de Heusghem
Alavoine n’est pas le seul à se battre face à son destin. « A la sortie de Thionville, un soleil, un panache, un saut périlleux, un sale cabot trop curieux qui foure son train de derrière sous la roue avant de l’homme jeune ; le vélo en miettes, Heusghem debout » (,,,) « Un spectateur a déjà offert son vélo qu’Heusghem enfourche et cela lui permet de ne pas perdre une seconde sur le peloton de tête. Quelle veine ! C’est à n’y pas croire » (« L’Auto »).
A priori, Heusghem s’en sort parfaitement puisqu’il termine 14ème et dernier du peloton de tête réglé au sprint par le Turinois Federico Gay (1896-1989 ; 2ème du Giro 1924). Et ce d’autant plus que son plus proche adversaire, Firmin Lambot, « donne de fortes inquiétudes à ses partisans. Il ne marchait pas du tout, mais là, pas du tout. On lui dépêcha un remorqueur en la personne de Lenaers. Le remorqueur était impuissant et puis, soudain, voilà mon Lambot qui se retrouve, en met comme un voleur et essaie de rattraper le temps perdu. Mais, comme dit la fable, ses efforts furent vains et le peloton de tête arriva avant lui » (« L’Auto »). 16ème de l’étape à 4’45’’, Lambot cède encore du temps à son compatriote.

 Heusghem lourdement sanctionné. Lambot en jaune
Le lendemain, coup de théâtre ! On apprend que le maillot jaune Hector Heusghem est pénalisé d’une heure ! Le colosse de Ransart « a manifestement fraudé. En premier lieu, il a changé de machine alors qu’il ne le devait pas, le règlement n’autorisant les changements de machine qu’en cas d’accident irréparable sur l’instant. Ensuite, il a aggravé son cas en détériorant volontairement sa bicyclette à l’étape alors que les commissaires s’apprêtaient à la vérifier (« L’Auto »). Rétrogradé à la 5ème place du général, Hector Heusghem laisse son beau maillot à ... Firmin Lambot, déjà vainqueur de l’épreuve en 1919 : « Solide comme un roc, souvent aux avants-postes, il crève moins que les autres, tombe moins que les autres, brise sa machine moins que les autres. Il ne gagne pas, ce sont les autres qui perdent. Il ne sème pas, il récolte » (Jean Roussel « Il était une fois le Tour de France à l’époque tumultueuse de l’entre-deux-guerres »).

 Classement de l’étape

 Classement général