Alavoine caracole
9ème du général ce matin à 1h5’51’’ de Christophe, Jean Alavoine fait désormais figure de grand favori du Tour 1922. « Le Gars Jean » a accéléré dès la sortie d’Eaux-Bonnes (km 177) pour basculer au sommet du col d’Aubisque (km 189) avec 3’25’’ d’avance sur Lenaers, 6’15’’ sur Lambot, 10’45’’ sur Thys et 12’40’’ sur Christophe. Alavoine a poursuivi son chemin sans faiblir, bifurquant par Lourdes de manière à contourner le Tourmalet enneigé, avalant Aspin et Peyresourde pour remporter sa 2ème étape consécutive sur ce Tour, la 13ème de sa longue carrière qui a débuté sur la Grande Boucle en 1909. 2ème du général à 27’12’’ de Christophe, la 2ème étape pyrénéenne peut lui permettre, après-demain, de ravir le maillot jaune au « Vieux Gaulois ».

 Christophe mal en point
Car Eugène Christophe est en souffrance. Après avoir crevé et s’être fait lâcher dans le col d’Osquich en début d’étape, les correspondants de «  L’Auto » ne donnaient pas cher de la peau du « Crack de Malakoff » lorsqu’ils l’ont vu au contrôle de Mauléon-Soule : «  Christophe arriva boîtant bas. C’est un moribond, les traits convulsés de fatigue et de douleur ». En lisant « Eugène Christophe, le damné de la route » de Jean-Paul Rey, nous comprenons mieux ce qu’endure depuis plusieurs jours le maillot jaune : « Une douleur insupportable au-dessus de la cuisse droite me torturait depuis Blaye, entre les Sables d’Olonne et Bayonne » (...) «  Au point que, très vite, j’avais été incapable d’appuyer sur la pédale de cette jambe. Les journalistes avaient parlé du réveil d’une sciatique chronique mais je savais, sans le dire à personne, l’origine de mon mal. Le pire est que j’en étais le seul fautif : avant le départ vers le Pays Basque, j’avais fait mettre une barrette sur la semelle d’une de mes chaussures. Je m’étais en effet aperçu que mon pied gauche avait tendance à prendre une mauvaise position dans le cale-pieds. Je pensais ce bricolage sous ma chaussure suffisant pour résoudre le problème. Quelle funeste erreur ! Pédaler du bout de pied et de travers, la conséquence ne s’était pas fait attendre. »
Mais courageusement, Christophe a poursuivi ses efforts, déposé de nombreux coureurs et, en se classant 4ème à 38’’39’’ d’Alavoine, sauvé sa précieuse Tunique.

 Thys perd le Tour
Triple vainqueur de l’épreuve, 2ème du général au départ de cette étape, Philippe Thys semblait avoir les cartes en mains. En haut de l’Aubisque, le Belge pointait certes à 10’ d’Alavoine mais il avait 2’ d’avance sur le maillot jaune Christophe. Tout allait bien jusqu’à ce que plusieurs crevaisons puis une roue cassée chamboulent tout. Laissons Emile Masson fils raconter la suite des aventures de Thys et de son père Emile Masson dans un livre intitulé « Mon père et moi, francs Masson du cyclisme belge  » (repris par Pierre Chany dans « La Fabuleuse histoire du Tour de France  ») : « Trois crevaisons dans la descente me donnèrent Thys pour compagnon. Il disait souffrir d’un empoisonnement (d’autres comme Christophe évoquent une "rage de dents"). Nous décidâmes de déjeuner dans l’un des restaurants de Bagnères-de-Bigorre. Ainsi dit, ainsi fait. Comme nous sortions de l’établissement, Jacquinot et Bellenger arrivèrent pour se restaurer. Qu’à cela ne tienne. Nous les attendîmes et, après qu’ils eurent pris leur repas, nous partîmes de concert jusqu’à Sainte-Marie-de-Campan, où ils décidèrent d’abandonner. Philippe et moi prîmes la résolution de continuer. Tant bien que mal. Dans l’ascension de Peyresourde, un berger nous conseilla de prendre un raccourci. Un chemin de chèvres qui grimpait à flanc de montagne. Nous l’empruntâmes en tirant nos bicyclettes. Les pierres roulaient sous nos pieds, les taons nous piquaient les jambes. Nous n’avancions pas. Au lieu de gagner du temps, nous en perdîmes." Résultat : Thys se classe 33ème de l’étape à 3h29’45’’. C’en est terminé de ses espoirs de remporter une 4ème fois la Grande Boucle.

 Classement de l’étape

 Classement général