Les crevaisons, toujours !
Laissons une fois de plus Henri Desgrange nous narrer les épreuves qu’ont aujourd’hui vécues les coureurs : "Nous étions à peine partis du Havre depuis un quart d’heure, qu’il nous était loisible de constater que les routes sont encore plus mauvaises, plus ravinées, plus caillouteuses que dans l’étape précédente. Sous la lueur vive de notre projecteur, nous ne voyons que des coureurs arrêtés sur le bord de la route, des poings rageurs tendus vers le ciel et nous entendons les jurons de nos malheureux hommes qui vont changer de boyaux en pleine nuit noire. Heureusement, il ne pleut pas. Songez qu’après 60 kilomètres de parcours, des hommes comme Mottiat (16ème de l’étape à 56’31’’ du vainqueur), comme Barthélémy (17ème avec le même temps) ont tellement crevé qu’ils n’ont plus un boyau de rechange ! Et le ravitaillement est encore à 25 kilomètres de là. S’ils crèvent d’ici là, c’est 25 kilomètres à faire à pied, c’est à dire la course perdue. Quelles transes ils ont eu et quelles transes j’ai eu pour eux. Un homme comme Lambot (20ème même temps), tant il a crevé, finira en queue de peloton. Mais voici que nos hommes de tête s’aperçoivent de l’absence et de Mottiat et de Barthélémy, c’est à dire les deux premiers du classement général, et les voici partis à un train de tempête. Tête baissée, ils marcheront ainsi comme des magnifiques bêtes de course pendant plus de 300 kilomètres. Songez qu’il y a, dans ce peloton qui n’a pas crevé, un Scieur tenace et rude, un Bellenger plein de justes ambitions, un Heusghem second l’an passé, un Gerbaud ambitieux comme tous les jeunes, un Alavoine qui veut que ça soit son tour, un Lucotti" ("L’Auto").
Notez qu’à Cherbourg, les premiers arriveront avec 1 heure d’avance sur l’horaire prévu.

 Bellenger et Scieur les plus solides
A Arromanches, à 100 km du but, 5 hommes caracolent en tête : Heusghem, Scieur, Bellenger, Gerbaud et un "isolé" Sellier tandis qu’Alavoine vient juste de lâcher prise, sur crevaison bien évidemment. Les côtes du côté de Valognes permettent à Romain Bellenger et à Léon Scieur de s’extirper de ce groupe. Les 2 coureurs collaborent jusqu’à ce que Scieur crève à 6 km du but. Le Belge se console rapidement en enfilant, à 33 ans, le maillot jaune pour la 1ère fois de sa carrière.
Quant au Parisien Bellenger, il remporte, à 27 ans, sa 1ère étape sur la Grande Boucle, quelques jours après s’être adjugé, le 12 juin, le Circuit de Paris.

 Classement de l’étape

 Classement général