Un temps à ne pas mettre un cycliste dehors
«  La pluie prit les concurrents peu après le départ de Bayonne ; longtemps après la fermeture du contrôle, elle tombait encore. Elle détrempa les hommes, elle détrempa aussi les routes. Transpercés pour la plupart et grelottant, les jambes et le visage maculés de boue, les yeux rougis, les coureurs ne trouvaient un instant d’éclaircie dans les vallées que pour se hisser de nouveau dans les brumes et les petites pluies fines et persistantes des sommets ». « Sur la route des cols, noyés dans les nuages ou le brouillard, la visibilité ne dépassait pas 50 et parfois 30 m. »
Visiblement, Gabriel Hanot du «  Miroir des Sports » n’en revient pas d’avoir assisté à « l’un des événements sportifs les plus émouvants, les plus dramatiques » de sa carrière.

 Lucien Buysse écrase la course
La compétition ne débute réellement qu’à Eaux-Bonnes après 180 km effectués paisiblement. Là, au pied de l’Aubisque, tous s’arrêtent pour changer de vitesse. Lucien Buysse, 8ème du général à 22’51’’ de Van Slembrouck (qui terminera 20ème à 1h50’47’’) s’enfuit seul vers le sommet qu’il franchit à midi avec 1’42’’ d’avance sur Huyse et Parmentier, 2’37’’ sur Dejonghe (2ème du général). Bottecchia est déjà relégué à 8’.
Dans la descente, Dejonghe rejoint son compatriote puis, dans le Tourmalet, c’est Taillieu qui rattrape les 2 fugitifs à mi-col. Mais « la route est creusée d’ornières, aggravées par les voitures suiveuses qui patinent, s’enlisent, glissent dangereusement en bordure des ravins. » (…) « La boue s’incruste dans les pignons et les chaînes des vélos. Les coureurs descendent de machine pour les nettoyer, parfois en urinant dessus, et ne peuvent remonter en selle, tétanisés par la fatigue et le découragement » (Jean Roussel « Il était une fois le Tour de France »). Tous mettent pied à terre et l’on assiste à une compétition «  cyclo-pédestre » que remporte Odile Taillieu puisque celui-ci passe le Tourmalet avec plus d’une minute d’avance sur Buysse. Aimo est à 5’, Devos à 8’, Dejonghe à 10’.
Au pied du col d’Aspin, Taillieu qui a bu de l’eau glacée, souffre de coliques et s’effondre. Lucien Buysse fonce vers le sommet dans son style caractéristique, en force, appuyant terriblement sur les pédales, accompagnant chaque effort d’un mouvement de tête et d’épaule.
Le Flamand (2ème l’année dernière) compte 11’ d’avance sur Aimo au col d’Aspin. Son crédit passe à 22’ au col de Peyresourde. A Luchon, terme de cette dantesque étape, Buysse a écrasé la concurrence (Aimo a perdu 25’48’’ ; Frantz, 5ème, 42’19’’) après plus de 17 heures de souffrance à 18,952 km/h de moyenne.

 Des moyens illicites ?
54 coureurs sur 76 ont terminé la course mais le bruit court que les 11 derniers ont pris le bus sur une partie du parcours. La preuve ? Le chauffeur de l’autocar est venu se plaindre au directeur que ses clients ne l’avaient pas payé ! Il semble que beaucoup d’autres ont utilisé des voitures pour rejoindre l’arrivée. A. Chassaignon et A. Poirier dans « Le Tour de France, ce passionnant fait divers » avancent que seuls les 5 premiers n’ont pas triché !

 Adieu Bottecchia
Vainqueur des Tours 1924 et 25, Ottavio Bottecchia n’est plus que l’ombre de lui-même cette année. Si bien que personne n’est surpris d’apprendre son abandon au cours de la journée.
L’année suivante, en juin, le «  Maçon du Frioul » est retrouvé mort lors d’une sortie d’entraînement. Tué par les fascistes ? Par un fermier qui lui aurait lancé une pierre alors qu’il volait des raisins ? Les circonstances de son décès, survenu à 33 ans, n’ont jamais été clairement élucidées.

 Classement de l’étape

 Classement général